Merlin, la légende musicale : vous allez être envoûtés !

Dans la prestigieuse et splendide salle des Folies Bergères, depuis le 25 octobre et jusqu'au 13 janvier, se joue, pour la troisième saison, la comédie musicale Merlin, la légende musicale, créée par Marie-Jo Zarb, sur une musique d'Erik Sitbon, chorégraphiée par Florie Sourice et produite par Narya Productions.

J'ai eu le grand privilège d'être invitée aux répétitions de ce petit bijou de la comédie musicale française, et elle a réjoui mon coeur à double titre : parce que je suis médiéviste spécialiste de la littérature arthurienne, et que Merlin fait depuis longtemps partie de mon imaginaire ; et parce que depuis toute petite, j'affectionne le genre de la comédie musicale.

Crédit photo : @ary.l_photo pour Merlin, la légende musicale

Je vous emmène dans les coulisses de la légende...

Au commencement était l'écriture

C'est à Marie-Jo Zarb que l'on doit cette idée ambitieuse de porter à la scène la légende arthurienne, contée au prisme du personnage fascinant de Merlin. Lorsqu'il est représenté, dans des oeuvres diverses, ce personnage est bien souvent édulcoré, simplifié à l'extrême, alors qu'il s'agit au contraire d'un personnage complexe car intrinsèquement double, en tant que fils d'une vierge touchée par la grâce, et d'un démon. Vous n'imaginez pas à quel point je rend grâce à Marie-Jo, qui a commencé sa carrière par des études de lettres, d'avoir su composer un véritable Merlin : un homme, mais doté de pouvoirs extraordinaires, qu'il choisit de mettre au service de l'unité de la Bretagne ; un homme exceptionnel, mais un homme tout de même, ballotté entre ses idéaux et ses passions. On sent, jusque dans les paroles des chansons écrites par Marie-Jo, qu'elle connaît véritablement la légende de Merlin, et que les transformations qu'elle y opère sont un choix signifiant.

On note des aspirations très contemporaines : l'attachement à la liberté, ainsi qu'à l'égalité homme-femme, que la création du personnage féminin d'Azénor, une jeune chevalière, que Marie-Jo a voulu offrir en modèle aux petites filles et aux jeunes femmes d'aujourd'hui, pour leur montrer qu'elles peuvent accéder à tous leurs rêves.

La musique d'Erik Sitbon vient s'accorder à l'écriture de Marie-Jo. Sa musique puissante ne cherche pas à être une reconstitution de musique médiévale, mais à faire corps avec l'action et à révéler l'essence des personnages. Si l'on y trouve des accents celtiques, elle résonne bien davantage d'accents intemporels comme savent les produire les grandes comédies musicales, dont les thèmes nous enthousiasment et nous accompagnent longtemps après la représentation.

N'ayez pas la crainte d'être confrontés à ces longs tunnels chantés qui ralentissent l'action et se rendent parfois insupportables aux spectateurs. Les thèmes musicaux s'entrelacent et apparaissent pour soutenir, scander l'intrigue, sans jamais l'alourdir.

L'écriture chorégraphique de Florie Sourice est à l'image de la musique d'Erik Sitbon. Elle va puiser dans la danse jazz, contemporaine, celtique, mêlant les influences pour créer une gestuelle évocatrice et pertinente pour la construction de l'action.

J'ai eu la chance d'assister longuement au travail de répétition de Florie avec la troupe, et ce qui m'a frappée, c'est l'attention qu'elle a portée à la justesse d'intention de chaque mouvement, celui-ci devant toujours faire sens, au même titre que les mots. Les chorégraphies sont enlevées, variées. Alors que j'ai vu plusieurs comédies musicales où les chorégraphies étaient un vrai point faible car mal écrites ou exécutées de manière approximative, je me suis régalée durant toute la répétition à voir évoluer les membres de la troupe dans leurs prestations dansées.

Dans ce terme de chorégraphie, il ne faudrait pas oublier d'inclure les scènes de combat, qui ont été montées par des cascadeurs mondialement reconnus (l'un d'entre eux, par exemple, est la doublure cascade de Keanu Reeves dans John Wick). Là encore, je note la différence avec ce que j'avais pu connaître auparavant : ordinairement, les combats à l'épée, lors des spectacles, sont presque de trop, tant ils paraissent risibles, dans le peu de crédit qu'on peut leur accorder. La critique a salué les scènes de combat dans Merlin, la légende musicale, et l'on comprend pourquoi lorsque l'on sait le soin dont elles ont fait l'objet.

Des artistes d'exception

Vous l'avez compris, l'exigence a été le maître mot qui a guidé la création de cette comédie musicale, et ce dans tous les domaines. Il fallait donc des artistes complets pour donner vie à la légende, et pas moins de quatorze !

Evidemment, le rôle titre est capital, et seul un artiste au charisme puissant pouvait incarner Merlin dans toute sa complexité. Marie-Jo Zarb a trouvé en Roddy Julienne un Merlin idéal. Il figure à la perfection une sagesse mêlée d'ironie, le lien de Merlin aux force primordiales de la nature, une tension entre le spirituel et le charnel, la force d'âme et la faille du sentiment. Sa voix résonne, chaude et vibrante, comme une incantation, et bien que parfois inquiétant, il emporte immédiatement la sympathie du spectateur.

Avoir trouvé le bon Merlin était essentiel, mais il faut toute une troupe à la hauteur du personnage, et j'ai été émerveillée par les talents que j'ai pu rencontrer lors des répétitions. Les chansons composée par Erik Sitbon sont très modernes, relevant plutôt de la pop et du rock ; mais elles sont portées par des voix exceptionnelles, avec une impressionnante amplitude de tessiture, et dans lesquelles on note une grande maîtrise du chant lyrique.

Dans la danse, également, la technique est très sûre ; j'ai d'ailleurs demandé à l'une des danseuses des précisions sur sa formation, car j'y décelais une base de technique classique, et je ne m'étais pas trompée. Le casting a sélectionné des artistes aguerris dans tous les domaines de la comédie, du chant et de la danse, au point que les capacités de certains d'entre eux ont même inspiré les auteurs de la comédie musicale : c'est ainsi que l'air de Morgane a été inspiré à Erik Sitbon par l'artiste qui incarnait la fée, tant ses capacités vocales l'avaient impressionné.

Une atmosphère envoûtante

L'un des problèmes qui se pose lorsque l'on veut adapter la légende arthurienne à la scène, c'est la grande part de merveilleux qui la compose, et qu'il est difficile de rendre visible sans tomber dans le grotesque. La scénographie de Merlin, la légende musicale, que l'on doit à Eric Klatt, fait la part belle aux effets spectaculaires et aux tours de magie, et là encore toujours à bon escient, pour préserver la part enchanteresse de l'histoire. Les lumières et les effets spéciaux de Sébastien Lanoue créent une atmosphère envoûtante mais qui n'occulte pas les passions tout humaines que la comédie musicale donne à voir.

Crédit photo : @ary.l_photo pour Merlin, la légende musicale

L'atmosphère légendaire est également portée par les décors, costumes, coiffures et maquillages. Je trouve ces derniers particulièrement réussis. Ils n'ont pas cherché à verser dans une reconstitution historique de toute façon impossible à atteindre. Ils sont médiévalisants juste ce qu'il faut, pour nous donner le sentiment que nous baignons dans un moyen âge de fantasmagorie, celui qui parle à nos imaginaires. Et surtout, ils mettent en valeur le caractère des personnages et les significations qu'ils tissent entre eux.

Crédit photo : Merlin, la légende musicale

Vous l'avez compris, j'ai été conquise par cette réécriture de la légende de Merlin qui, quoique conçue pour enchanter le plus large public, ne cède rien sur la qualité de l'écriture  et l'exigence artistique pour proposer une nouvelle version du mythe et faire vivre ce dernier pour nos contemporains.