TechnicoFlor et le Mama Shelter Marseille mettent la gastronomie au parfum

Cette semaine, j'ai eu la chance inestimable d'être conviée à l'un de ces événements rares qui ouvrent le monde de la gastronomie à de nouveaux horizons : le dévoilement du menu issu du défi lancé par TechnicoFlor au Chef du Mama Shelter Marseille, Loïc Sohnlen.

Technicoflor et le Mama Shelter Marseille : l'évidente collaboration

Sans doute le nom de TechnicoFlor ne vous parle-t-il pas, si vous faites partie du grand public. Mais votre univers olfactif est peuplé de ses créations, puisque cette entreprise familiale, depuis 1981, fournit en matières premières aromatiques et en créations parfumées les grandes marques de parfumerie, de cosmétique et d'hygiène. François-Patrick Sabater, son créateur, sait s'entourer de créateurs passionnés pour ne jamais cesser d'innover en matière de parfums et d'arômes. Ce même esprit habite son directeur général adjoint, Maxime Gransart, habitué de l'hôtel et de la table du Mama Shelter Marseille, son QG pour ses déplacements dans la filiale d'Allauch.

Le Mama Shelter Marseille, comme les autres hôtels de cette chaîne, est conçu autour d'un esprit joyeux, misant sur la créativité et l'originalité, dans la décoration autant que dans la gastronomie. Autant de points communs avec TechnicoFlor. Si bien qu'à force de discussions amicales entre les directeurs des deux maisons, a germé l'idée d'une collaboration innovante : faire des ingrédients phares de la parfumerie le point de départ de créations culinaires.

Le Chef du Mama Shelter, Loïc Sohnlen, s'est vu proposer vingt matières premières utilisées en parfumerie ; il devait retenir six d'entre elles, et en tirer six plats : deux entrées, deux plats de résistance, et deux desserts.

Mais il ne devait pas être le seul à se trouver mis au défi, sans quoi la collaboration n'aurait pas été totale, et le projet ne serait pas allé au bout de ses virtualités : trois créateurs de la maison Technicoflor ont dû à leur tour créer chacun deux parfums, chacun d'entre eux correspondant à l'un des plats nouvellement inventés par Loïc Sohnlen.

Quant à nous, les invités, ne croyez pas que nous n'ayons pas été mis à contribution ; car notre dégustation devait nous amener à voter pour l'entrée et le plat qui entreront, pour les deux prochains mois, à la carte du restaurant du Mama Shelter, déjà réputé pour son niveau d'exigence et d'inventivité. A chacune de nos tables se trouvait l'un des parfumeurs de TechnicoFlor, qui devait nous aider à décoder les ingrédients utilisés dans les créations culinaires et parfumées.

Après un cocktail surprenant à base de rhum infusé de vétiver, qui m'a conquise par sa profondeur boisée, nous voilà à table.

Double Jeu : badiane et carotte

Cette entrée joue la carte du double à plusieurs niveau : tout d'abord parce qu'elle se présente sous la forme d'un duo de cromesquis, ces croquettes d'origine polonaise à la fois croustillantes au-dehors et fondantes au dedans.

Dans l'une, on trouvait une effilochée de boeuf et carotte, avec une note de whisky, et dans l'autre une association de patate douce et badiane.

Je remarque d'emblée le jeu sur la multitude des textures et l'équilibre des saveurs : la note de whisky crée des arômes, mais sans impression alcoolisée ; la badiane tempère subtilement, par sa fraîcheur, la douceur de la patate douce.

Les cromesquis sont accompagnés d'une sauce  avec persil, menthe, coriandre et clous de girofle, avec une touche ronde de vanille.

Le parfum associé est une création de Marion Garcia Camaret, récemment arrivée chez TechnicoFlor, mais dont le talent est déjà très affirmé :

Notes de tête : Badiane, Listea Cubeba, Baies roses, Coriandre

Notes de coeur : Carrot, Iris, Gingembre, Lie de Vin, Menthe, Carrot Cake

Notes de fond : Vétiver, Musc, Ambroxan, Ambre Vanille, Santal

Pour être honnête, lorsque j'ai lu la pyramide olfactive de ce parfum, si j'ai pu constater que l'on y retrouvait sans conteste les ingrédients de l'entrée Double Jeu, j'ai pensé que l'ensemble donnerait un mélange disparate, voire incompatible.

Quelle erreur de ma part ! C'est au contraire une composition complexe et profonde, très sensuelle, portable aussi bien par un homme que par une femme. Je suis séduite, alors même que d'ordinaire je préfère les parfums plus légers.

Si près de la Mer : cyprès

L'entrée côté mer était composée d'un saumon Gravlax mariné avec du cyprès, accompagné d'un pain noir toasté, des pickles de radis et une émulsion avec des notes d'agrumes et de baies roses.

Jusqu'ici, j'étais un peu fâchée avec le Gravlax : ce que j'avais goûté jusqu'alors ressemblait davantage à un saumon cru, trop parfumé d'herbes aromatiques (souvent de l'aneth), et laissant en bouche une désagréable sensation visqueuse. Loïc Sohnlen a réussi la gageure de me réconcilier avec cette recette : son saumon Gravlax est moëlleux, mais sans impression grasse, et le cyprès apporte une touche boisée mais non fumée très originale et discrète (alors que quiconque a déjà coupé du cyprès sait à quel point la résine de cet arbre possède des arômes puissants).

Les pickles apportent une touche acidulée et l'émulsion un côté crémeux ; le tout s'équilibre à merveille.

Le parfum Si près de la Mer, composé par Jérémy Sabater, témoigne de la même maîtrise :

- notes de tête : Baies Roses, Pain Grillé, Cyprès

- notes de coeur : Betterave, Ecume, Accord marin

- notes de fond : Vétiver Java, Muscs Blancs

On retrouve parfaitement les accords marins, boisés, aromatiques du plat, dans une composition qui nous transporte dans une balade au milieu des pins maritimes.

Or bleu : lavande

La lavande est l'or bleu de la Provence ; la mer est aussi un trésor de la cité phocéenne, et le plat proposé par Loïc Sohnlen témoigne de cette polysémie du nom Or bleu.

Nous avons dégusté un filet le loup en croûte au Bleu avec une purée légère : je n'aurais jamais pensé que la chair fine d'un poisson blanc, avec ses notes marines, s'accorderait avec les saveurs si puissantes, terriennes, d'un fromage bleu. Et pourtant, le second rehausse le premier à merveille.

J'ai été encore plus surprise par le choix d'accompagner cette association d'une émulsion de lavande. Et on comprend ici pleinement comment la collaboration entre la parfumerie et la gastronomie peut être fructueuse : j'ai appris, au cours du repas, que la lavande avait des notes fromagères, ce qui rend soudain évidente sa présence au sein du plat qui nous a été servi.

C'est aussi Jérémy Sabater qui a créé le parfum Or bleu. Comme je m'étonnais qu'il soit à l'origine des deux créations marines, la parfumeuse de notre table m'a expliqué qu'il adorait la plongée, et que la mer était son univers de prédilection, ce qui transparaît parfaitement dans ce parfum aux notes iodées très puissantes :

- notes de tête : Lavandin, Citron Jaune, Ecume

- notes de coeur : Accord Marin, Crème Fouettée, Immortelle

- notes de fond : Mousse de Chêne, Fève Tonka, Musc

C'est un parfum pour les amoureux de la mer et qui veulent pleinement l'afficher.

Cuir d'agneau : cade

Le plat Cuir d'agneau joue sur des notes de viande dans tous les ingrédients du plat : le rôti d'agneau, moëlleux, à peine rosé, cuit à basse température durant huit heures, est farci de champignons fumés aux notes très charnelles, accompagné d'une purée aux herbes aromatiques, et servi avec de la muscade, elle aussi très sensuelle, ainsi que des graines de sarrazin torréfié, pour le croquant.

Ce plat puissant appelait un parfum qui le soit tout autant, et Félix Deschamps a su réussir ce tour de force avec raffinement :

- notes de tête : Cade, Romarin, Poivre Noir, Thym, Laurier, Café, Cannelle

- notes de coeur : Notes Fumées, Cypriol, Patchouli, Noix de Muscade, Cuir, Curcuma, Clous de Girofle

- notes de fond : Cèdre, Bois de Gaïac, Mousse de Chêne, Myrrhe, Oud, Ciste

Le défi n'était pas mince car on connaît plusieurs parfums célèbres composés autour de la note de Cuir, et il fallait trouver l'équilibre entre reconnaissance oflactive de cette note familière et originalité, ainsi que conjuguer l'animalité et l'élégance. Cuir d'agneau y réussit brillamment.

Eté indien : jasmin

Le premier dessert était juteux et fruité, avec un carpaccio de kaki (fruit que j'adore depuis l'enfance), servi avec un sirop de jasmin, floral et sensuel, un crumble idéalement croustillant et sablé, et parsemé de mandarine pour l'acidulé.

Là encore, c'est un festival de textures, avec un étagement de saveurs : la suavité du kaki est relevée par le sel du crumble sablé, et sur la fin, on sent arriver les notes pétillantes de la mandarine dont on retrouve la chair et un léger goût d'écorce.

Quant au parfum, il m'a tellement enthousiasmée que je suis allée trouver Félix Deschamps, son créateur, avec des yeux l'implorant de le commercialiser afin que je puisse me le procurer régulièrement.

Car les parfums gourmands sont souvent puérils, voire un peu écoeurants ; ce sont des parfums qui peuvent même jouer sur la facilité : certaines marques, qui chaque année en sortent un nouveau pour la belle saison, en témoignent.

Ici, on retrouve tout le croquant du fruit, mais avec la sensualité charnelle et mûre du jasmin, avec de la profondeur et du charme pétillant. C'est un immense coup de coeur pour moi, et un très beau tour de force, à nouveau, pour Félix Deschamps.

Ton Karma parfait : tonka

Souvent, dans les restaurant, tout se passe bien jusqu'au dessert où l'on s'aperçoit que le chef n'a pas l'âme d'un pâtissier ; je ne compte plus les repas bien commencés et qui s'achèvent par une déception.

Loïc Sohnlen a composé des plats savoureux en entrée comme pour les plats de résistance, et a proposé non pas un, mais deux desserts qui sont de totales réussites, y compris pour Ton Karma parfait, à dominante chocolatée. 

Le chocolat est sans doute l'ingrédient favori des pâtissiers, et il est malheureusement trop souvent gâché par une surdose de sucre qui rend le dessert écoeurant.

Ton Karma parfait porte bien son nom : la gourmandise Tonka, Miel et Chocolat, au coeur coulant, est parsemée de gros morceaux de noisette croquants, et posée sur un lit de biscuits chocolat intense émiettés aux côtés d'une glace à la fève Tonka onctueuse.

Le parfum est lui-même très gourmand, sans lourdeur : 

- notes de tête : Safran

- notes de coeur : Chocolat, Noisette, Miel Crémeux

- notes de fond : Fève Tonka, Osmanthus, Vanille

C'est un parfum très rond, mais avec de la profondeur et du raffinement, dans un subtil équilibre entre le sucre et les épices. Autant vous dire que j'ai été vraiment impressionnée par le talent des parfumeurs de TechnicoFlor autant que par le Chef du Mama Shelter Marseille, qui ont fait preuve d'un talent peu commun pour répondre au défi qui leur avait été lancé.

Et pour la suite ?

Je me doute que je vous ai mis l'eau à la bouche avec la description de ces plats raffinés, et que vous devez m'envier beaucoup. Sachez toutefois que vous pourrez vous aussi goûter les plats que nous avons collégialement élus à l'issue de notre déjeuner (même si cela s'est révélé diablement difficile). Et pour que vous puissiez vous aussi revivre la même expérience que nous, votre plat vous sera servi avec la touche du parfum lui correspondant, afin que vos papilles et votre odorat soient en éveil de concert.

Un immense merci à Eve'Votredircom, à Technicoflor et au Mama Shelter Marseille de m'avoir permis de vivre cette très belle expérience olfactivo-gustative.